Les Rougon-Macquart, tome 11 : Au bonheur des dames d'Emile Zola

Publié le par Walpurgis

Roman classique

Format poche

Edition : Folio

Collection : Plus classiques

Date de parution : 2012

Nombre de pages : 626

Octave Mouret affole les femmes de désir. Son grand magasin parisien, Au Bonheur des Dames, est un paradis pour les sens. Les tissus s'amoncellent, éblouissants, délicats, de faille ou de soie. Tout ce qu'une femme peut acheter en 1883, Octave Mouret le vend, avec des techniques révolutionnaires. Le succès est immense. Mais ce bazar est une catastrophe pour le quartier, les petits commerces meurent, les spéculations immobilières se multiplient. Et le personnel connaît une vie d'enfer. Denise échoue de Valognes dans cette fournaise, démunie mais tenace. [...] Personne ne pourra plus entrer dans un grand magasin sans ressentir ce que Zola raconte avec génie : les fourmillements de la vie. 

J'avais hâte de retrouver Octave Mouret après l'avoir connu dans Pot-Bouille. Ce jeune arriviste réussissait enfin à concrétiser ses ambitions et dans Au bonheur des dames, il est le patron au faîte de sa réussite professionnelle et personnelle. Toutefois, ce volume s'écarte un peu des Rougon-Macquart car le personnage principal est Denise, une jeune normande devenue orpheline et qui doit s'occuper de ses deux frères. Elle va à Paris rejoindre son oncle afin de faire vivre sa famille.

Loin des tares des Rougon-Macquart, Denise est un exemple de fierté, d'honnêteté et de droiture. Le roman raconte son ascension au sein du magasin Au bonheur des dames sous la garde obsessionnelle d'Octave. Parce-qu'elle incarne l'innocence dans un monde qui se métamorphose à une vitesse folle, Denise devient l'opposée de Mouret, figure sans scrupule du modernisme affamé qui dévore tout sur son passage. Pourtant loin d'être ancrée dans le passé, Denise incarne une certaine raison et les limites qu'il faut donner à cette folie. Octave, lui, est le diable, le maître de la tentation de ces dames avec son foisonnement de tissus aux couleurs variées. Il est l'abondance, la réussite et fait disparaître sans scrupule ceux qui ont raté le train du progrès. Denise, qui cotoie les deux mondes, accepte cette modernité mais sans vendre son âme.

La relation que vont nouer Denise et Octave est une lutte de tous les instants. L'incompréhension d'Octave face à son attirance pour elle montre la toute puissance que dégage Denise à être droite. Elle semble invincible après avoir passé les épreuves souvent humiliantes du grand magasin. Les employés qui se rabaissent à un comportement malsain seront les perdants malgré l'attrait évident qu'ils dégagent pour certains. Seul Deloche, trop innocent, n'aura pas la fin méritée. 

Ce qui est intéressant c'est de voir comment sous l'influence de Denise, les vendeuses, qui sont quasi considérées comme des filles de joie, vont voir leur statut évoluer. En faisant entrer l'hygiène et la culture au sein de l'établissement, Denise transforme celles-ci en dames respectables. La classe moyenne commence à émerger. Les hommes ne sont pas en reste puisqu'au fil du roman, on les voit quitter les bars pour des cercles et des activités plus cotées. 

Mais ce roman c'est surtout le triomphe du capitalisme et de la consommation. Les descriptions de Zola sont pleines d'abondance, de couleurs. En tant que lecteur, on est tout aussi subjugué devant le foisonnement que les clientes du magasin qui ne peuvent s'empêcher d'acheter, de consommer. Cela est résolument actuel que ce soit les fameux événements qu'on pourrait apparenter aux soldes, les prix tirés vers le bas, la disparition des petits commerces, l'enjolivement du magasin pour attirer les clients, tout ça est encore là, les ficelles sont les mêmes.

Zola livre encore une fois un roman de qualité avec une peinture très critique de son époque : la consommation effrénée, la réussite à tout prix, l'exploitation des travailleurs, le sexisme... sont des sujets abordés sans complaisance mais sans exagération. Zola a su modérer son discours en pointant du doigt les débordements de la modernité sans en nier les bienfaits. Comme dit plus haut, une livre encore très actuel qui mérite le détour.

 

Publié dans Classique

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