Pas pleurer de Lydie Salvayre

Publié le par Walpurgis

Roman historique

Format poche

Edition : Points

Date de parution : 2015

Nombre de pages : 221

Deux voix entrelacées. Celle, révoltée, de Bernanos, témoin direct de la guerre civile espagnole, qui dénonce la terreur exercée par les Nationaux avec la bénédiction de l’Église contre « les mauvais pauvres ». Celle, roborative, de Montse, mère de la narratrice et « mauvaise pauvre », qui a tout gommé de sa mémoire, hormis les jours enchantés de l’insurrection libertaire par laquelle s’ouvrit la guerre de 36 dans certaines régions d’Espagne, des jours qui comptèrent parmi les plus intenses de sa vie. Deux paroles, deux visions qui résonnent étrangement avec notre présent et qui font apparaître l’art romanesque de Lydie Salvayre dans toute sa force, entre violence et légèreté, entre brutalité et finesse, porté par une prose tantôt impeccable, tantôt joyeusement malmenée.

Pas pleurer est un roman émouvant, tragique, mais aussi plein de joie sur la guerre civile espagnole. Cette histoire nous est contée par Montserrat, une vieille femme, qui raconte à sa fille Lydie, les souvenirs des premiers instants de 1936 et des faits qui amèneront Montserrat sur le chemin de l'exil. En parallèle, Lydie laisse place à la voix de George Bernanos dont elle a lu le roman Les grands cimetières sous la lune. D'abord nationaliste convaincu, l'écrivain découvre horrifié la répression franquiste, il écrira ce texte pour témoigner des exactions commises et ce avec l'aval de l’Église.

Ce sont donc deux visions différentes mais non divergentes que nous propose l'autrice. Mais là où règne la tristesse et les constats sinistres de Bernanos, vient supplanter la joie des premiers jours de la guerre lorsqu'un souffle de liberté enthousiasme les foules dont Montserrat et son frère Josep. Leur vision n'est malheureusement pas partagée dans leur village rural où les premiers vivats sont écrasés par la froide organisation de Diego, fils de propriétaire et communiste convaincu.

Les luttes qui hantent le village seront celles de la guerre d'Espagne : la guerre interne entre communistes (staliniens contre trotskistes), entre communistes et anarchistes, entre républicains et franquistes. La haine devient viscérale : on parle, on dénonce... Et l'immobilisme triomphe, ne rien changer car finalement c'est la vie qu'on connaît.

Et pourtant la voix de Montse nous enchante, dans son "fragnol" (mélange de français et d'espagnol) teinté de soleil, elle nous décrit avec enthousiasme la ferveur de la République et tous les rêves permis avec la révolution libertaire. Mais la réalité rattrapent de façon vertigineuse la jeune fille et son frère chacun pour des raisons différentes. Deux tragédies se dessinent sur des chemins proches et éloignés à la fois dont le vecteur commun n'est autre que ce Diego qui, lui-même, sera victime.

Pas pleurer est un témoignage d'une mère à sa fille. Montserrat transmet son histoire à sa cadette qui va lui donner vie dans ce roman. La lecture du livre de Bernanos réveille les souvenirs familiaux et le parallèle des deux récits devient une évidence. Facile d'accès, tragique et gai à la fois, ce livre m'a emporté sur les traces de Montserrat, de Josep et de Bernanos.

 

Publié dans Historique

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