Rêve de fer de Norman Spinrad

Publié le par Walpurgis

Uchronie

Format poche

Edition : Folio SF

Date de parution : 2006

Nombre de pages : 382 pages

Et si, écœuré par la défaite allemande en 1918, Adolf Hitler avait émigré aux Etats-Unis ? S'il s'était découvert une vocation d'écrivain de science-fiction ? Dans cette étonnante uchronie, Spinrad prête sa plume au personnage le plus honni de notre histoire pour écrire "Le Seigneur du Svastika", un roman fantasque couronné par de prestigieux prix littéraires ?

Rêve de Fer est un roman atypique. Au final, ce que le lecteur lit ce n'est pas ce roman mais Le seigneur de la svastika écrit par un certain... Adolf Hitler !

Ici, Adolf Hitler a émigré aux Etats-Unis suite à la défaite allemande de 14-18 et devient écrivain. Il va publier un livre SF qui va être couronné de succès, le susnommé Le seigneur de la svastika.

Le personnage central du roman se nomme Feric Jaggar. Il souhaite rejoindre Heldon, patrie du pur génotype humain. Dans un monde post-apocalytique où les mutants sont légion et les terres souillées, c'est le dernier refuge des derniers purs hommes. Grâce à un mental et à un physique supérieurs, Feric va gravir les échelons au sein d'un parti et devenir le dictateur de la contrée avec en point de mire la purification du monde et la domination du pur homme.

Rien qu'avec ce résumé, on découvre la personnalité et les opinions d'Hitler comme nous les connaissons via l'Histoire. Par ce roman fictif, Norman Spinrad dénonce le nazisme et la séduction dans laquelle se laissait prendre l'opinion publique.

Ici, le lecteur est confronté à la violence aussi bien physique que morale. Feric suit le tracé d'Hitler mais en mieux, il ne connaît pas l'échec et son ascension est irrésistible. Que ce soit la réunion à la taverne qui fait penser au putsch de la Brasserie, les camps, les discours à la mise en scène impeccable, tout nous ramène aux heures de l'Allemagne nazie. Feric suit son destin en utilisant les pires moyens pour parvenir au but ultime.

Le lecteur ne peut pas suivre l'histoire comme il le ferait pour n'importe quel autre livre. Les propos sont haineux, racistes, la vision du monde de Jaggar est terrifiante. Les stratégies qu'il utilise sont celles du totalitarisme : rassemblements à la chorégraphie millimétrée, les costumes virils, les symboles forts... Rien n'est omis. Le final laisse entrevoir ce qui aurait pu être : une sélection d'humains draconienne et un eugénisme absolu.

De plus, l'auteur Adolf Hitler voit en ce Feric Jaggar, un être tellement exceptionnel que la technologie réduite à la vapeur va, par son entremise, redevenir ce qu'elle était avant l'apocalypse. Un homme tellement parfait qu'on pourrait le considérer comme un héros devant son refus du nucléaire tandis que les ignobles mutants et dominateurs n'ont aucun scrupule à le faire.

Quant à Hiltler auteur, il aurait fait un piètre romancier avec un vocabulaire pauvre où ce qui compte est le fanatisme, la virilité et la violence. On ne peut que se sentir mal à l'aise face à la célébration de la beauté des uniformes de cuir noir, des sanglantes batailles et de la personnalité de Feric Jaggar.

Avec la violence des propos, c'est aussi le choix presque comique des mots pour décrire les SS moulés dans du cuir noir, les symboles phalliques à profusion dont les battes et le fameux marteau (largement inspiré de celui de Thor) qui met mal à l'aise car on aurait envie de rire si les propos n'étaient pas aussi dangereux.

Norman Spinrad a réussi son roman d'Hitler dans toute sa folie et son horreur. Un roman intéressant mais difficile à aborder qui nous incite à cultiver notre réflexion personnelle.

 

Publié dans Déceptions

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