L'abominable de Dan Simmons

Publié le par Walpurgis

Thriller

Grand format

Traduction : Cécile Arnaud

Edition : Robert Laffont

Date de parution : 2019

Nombre de pages : 658

En 1924, la course pour parvenir au plus haut sommet du monde s'interrompt brutalement suite à la terrible disparition des célèbres alpinistes George Mallory et Sandy Irvine. L'année suivante, trois hommes – un poète britannique vétéran de la Grande Guerre, un guide de montagne français et un jeune idéaliste américain – tentent à leur tour leur chance. Mais quelqu'un, ou quelque chose, les poursuit, et, à 8 500 mètres d'altitude, alors que l'oxygène vient à manquer, l'expédition vire bientôt au cauchemar. Qui est à leurs trousses ? Et quelle vérité se cache derrière les disparitions de 1924 ? Tandis qu'ils poursuivent leur ascension jusqu'au sommet du monde, les trois aventuriers vont découvrir un secret plus abominable encore que toutes les créatures mythiques jamais imaginées.

COUP DE COEUR !!!

Il est des hommes qui étonnent, surprennent, Jacob "Jake" Perry est de ceux-là. En tout cas Dan Simmons l'assure dans son introduction lorsqu'il rencontre le vieil homme pour son prochain livre Terreur dont le sujet sont les expéditions polaires. Et finalement, l'écrivain écrira aussi ce livre sur Perry, L'abominable car en 1925 Perry va sur l'Everest clandestinement...

L'Everest, la plus haute montagne du monde, le rêve de toute une vie pour certains. Dan Simmons nous ramène en 1924. Les britanniques cherchent depuis quelques années à atteindre le sommet, tout particulièrement le meilleur alpiniste de l'époque George Mallory. Mais lors du troisième tentative pour atteindre le sommet, l'alpiniste et son acolyte Andrew "Sandy" Irvine disparaissent. Quand Jake Perry apprend la nouvelle, il vient de gravir le mont Cervin avec Jean-Claude, un guide de Chamonix et Richard Deacon dit le Diacre, alpiniste chevronné et ancien compagnon d'expédition de Mallory. Ni une, ni deux, le trio se prépare à partir pour l'Everest retrouver deux disparus dont la mort quasi simultanée avec celles de Mallory et Irvine a été passée presque sous silence, que sont devenus Percival Bromley et Kurt Meyer ? Un prétexte en vérité car l'objectif du Diacre et de ses compagnons, c'est le sommet de l'Everest.

Mais si vous pensiez arriver rapidement au pied de la montagne, il n'en sera rien. Une préparation minutieuse va se dérouler tel un parcours d'initiation pour Perry, certes alpiniste mais moins expérimenté que ses compagnons. C'est l'occasion de découvrir l'alpinisme de l'époque. Loin du matériel sophistiqué d'aujourd'hui, les hommes (oui les femmes n'étaient pas tenues de le faire) grimpaient avec des cordes simples, des bouteilles à oxygène qui se brisaient et la majorité se moquait des allemands adeptes des pitons et autres crochets. Les vêtements étaient très simples avec bottes cloutées et manteaux de laine et plusieurs couches de vêtements. Il est d'autant plus admirable de voir comment les mains en sang, se fiant à leur instinct, ils grimpent en privilégiant la vitesse pour éviter de tomber. Les accidents sont nombreux, les morts aussi. Des décès horribles où les corps sont en charpie et où une chute peut tuer plusieurs hommes. Un monde où le deuil doit être rapide pour pouvoir préserver sa propre vie. Il y a quelque chose de fascinant de voir ces pionniers des hauts sommets tenter l'impossible et qui ne baissent jamais les bras jusqu'à la mort. 

C'est passionnant mais si la question ne vous intéresse pas et bien ce récit vous ennuiera. Dan Simmons prend son temps avant de quitter l'Europe. Car même si les personnages veulent atteindre le sommet de l'Everest, il faut tout de même prendre l'excuse au sérieux. Que faisait Percival Bromley, futur Lord, sur l'Everest ? Lui qui n'avait aucun objectif réel connu sur cette montagne. Certes, il grimpait mais était loin d'être un alpiniste chevronné. C'est alors que le récit va se mêler à l'Histoire. Et si les scènes terrifiantes se passent pour beaucoup dans la montagne, on ne se sent pas plus à l'aise dans une certaine brasserie allemande... Et une fois au Tibet, ce sont les superstitions locales qui vont se nouer au récit. Ne parle-t'on pas de grandes créatures poilues et bipèdes ? Vous l'aurez compris, Dan Simmons exploite différents fils et arrive à nous tisser une trame incroyable sans jamais tomber dans les écueils. Franchement, j'avais un peu peur du ridicule et ça ne l'est jamais car la narration est sobre et simple. Les connaissances sont affûtées, le tissage est maîtrisé à la perfection. On est là à tourner les pages en se demandant ce qu'il va pouvoir se passer. Cela n'évite pas de deviner certaines choses loin de là.

Mais la grande force de ce roman c'est que la barrière entre la fiction et le réel est très mince. Car tout au long du roman, les événements, les personnages, les situations prêtent à confusion. En partant d'un fait célèbre : la disparition de Mallory et Irvine sur l'Everest en 1924 avec toute cette interrogation portant sur leur réussite ou non à atteindre le sommet, Dan Simmons crée son roman de façon réaliste. Il utilise des situations réelles de l'histoire de l'alpinisme sur ses héros, il nous décrit tellement bien ses personnages qu'on se demande s'ils n'ont pas réellement vécu. Et surtout il joue avec les fantasmes qu'a provoqué cette expédition de 1924 dans la conscience collective. On prendrait bien notre équipement et on se lancerait bien sur les traces d'Irvine (le corps de Mallory a été retrouvé en 1999) car on est persuadé qu'on le retrouverait car l'auteur nous donne l'impression que l'on sait la vérité. Et si ça, ça n'est pas la marque des génies...

J'arrive à la fin de cette chronique avec l'impression de ne pas en avoir assez dit pour vous montrer à quel point ce roman m'a marqué et continuera à me marquer. Le livre est très riche et vous découvrirez beaucoup de choses notamment sur les sherpas, les rites locaux... Il y a tant de chose à dire ! L'Everest est à portée de main.

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U
Merci beaucoup pour cette excellente chronique ! On sent que tu as vraiment aimé ce livre. Je l'ajoute dans ma wish list !
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W
Merci ! Je suis contente de voir que mon enthousiasme a été communicatif.