L'Amie prodigieuse, tome 3 : Celle qui fuit et celle qui reste de Elena Ferrante
Roman contemporain italien
Format poche
Traduction : Elsa Damien
Edition : Folio
Date de parution : 2018
Nombre de pages : 544
Pour Elena, comme pour l'Italie, une période de grands bouleversements s'ouvre. Nous sommes à la fin des années soixante, les événements de 1968 s'annoncent, les mouvements féministes et protestataires s'organisent, et Elena, diplômée de l'École normale de Pise et entourée d'universitaires, est au premier rang. Même si les choix de Lila sont radicalement différents, les deux jeunes femmes sont toujours aussi proches, une relation faite d'amour et de haine, telles deux sœurs qui se ressembleraient trop. Et, une nouvelle fois, les circonstances vont les rapprocher, puis les éloigner, au cours de cette tumultueuse traversée des années soixante-dix.
ATTENTION ÉLÉMENTS DU TOME 2 DANS LA CHRONIQUE
Ce tome 3 se révèle tout aussi passionnant que ces prédécesseurs. Cette fois, une large part est donnée aux changements sociaux qui traversent l'Italie mais aussi le monde et qui vont impacter la vie d'Elena et Lila à différents degrés. Cette période qui s'étend de la fin des années 60 à la fin des années 80 est appelée les années de plomb (qui continue lors du tome 4). Des moments sombres où la tension politique va déboucher sur des violences extrêmes entre les fascistes et l'extrême-gauche. Ce n'est pas seulement une toile de fond, les protagonistes fréquentent des cercles proches de partis politiques. La vision de cette période est vue par le prisme d'Elena : lectures, villes visitées, relations intimes ou amicales donnent une idée de l'atmosphère qui règne dans ces années-là mais d'une façon tout de même un peu confuse et lointaine comme elle le vit. Au début de l'histoire, on sent comme un souffle de liberté et d'espoir, c'est la fin des années 60 et tout semble possible mais rapidement les attentats se multiplient entre camps et adverses ainsi que les meurtres, les rapts. Le récit ne se concentre pas sur les événements mais il donne un aperçu clair de la situation explosive qui a cours en Italie.
Ce volume est largement consacré à Elena. Lilia est toujours présente mais plus en arrière-plan. Leur amitié semble s'atténuer via un éloignement géographique et personnel. Lilia est toujours employée dans une usine de salaisons, cherchant à subvenir aux besoins de son fils Gennaro avec le soutien d'Enzo. Après avoir quitté Stefano, elle a donc acquis une certaine indépendance même si financièrement la vie est difficile. Elena, elle, commence sa carrière d'écrivain, elle a un fiancé d'une famille haut placé qui navigue dans les milieux intellectuels. Vont alors se dessiner deux trajectoires et des revendications bien différentes. L'auteure en profite pour aborder plein de sujets : le patriarcat, le féminisme, la sexualité féminine, les revendications prolétariennes. L'introspection d'Elena est très importante sur ces questions, moins chez Lila qui n'apparaît que plus tard dans ce livre. Après tout c'est Elena qui écrit... Elle raconte ses aspirations, le vent nouveau qui souffle dans la société italienne mais aussi les obstacles qu'elle rencontre. Le côté psychologique est très présent. Elena n'arrive pas à oublier d'où elle vient malgré son désir de s'élever car un détail semble à chaque fois la renvoyer à son statut comme si elle n'avait pas toutes les clés pour devenir ce qu'elle souhaite être. Tout comme pour le pays, cette période sera charnière pour Elena. Son amitié avec Lila change et on sent qu'un fossé se creuse entre elles notamment parce-qu'Elena confesse au lecteur les sentiments ambivalents qu'elle ressent envers son amie d'enfance.
Ce tome 3 marque une période dure pour nos deux protagonistes. Leur amitié ne tient qu'à un fil et chacune d'elle connaît des épreuves personnelles. L'histoire souffre un peu de l'omniprésence d'Elena et de ses questionnements mais j'ai fermé le livre satisfaite et surtout j'ai enchaîné avec le dernier tome ce qui est très bon signe !