Tragédie à l'Everest de Jon Krakauer

Publié le par Walpurgis

Témoignage

Format poche

Traduction : Christian Molinier

Edition : 10/18

Date de parution : 2010

Nombre de pages : 318

" Je t'aime. Dors bien, ma chérie. Je t'en prie, ne te fais pas trop de souci. " Telles furent les dernières paroles que Rob Hall, guide himalayen chevronné, adressa à sa femme depuis le sommet de l'Everest. Il ne devait pas redescendre vivant. Le 10 mai 1996, le Toit du monde fut le théâtre d'une véritable hécatombe. En route vers le sommet, quatre expéditions furent prises dans une violente tempête. En vingt-quatre heures, huit alpinistes, dont deux guides réputés, trouvèrent la mort. Envoyé spécial du magazine américain Outside, Jon Krakauer fait partie des survivants. Tragédie à l'Everest, son récit de ce drame, est un livre lucide et courageux qui passionnera tous les amoureux de récits d'aventures vécues, amateurs de montagne ou non, comme il a fasciné des millions de lecteurs américains. Un classique du genre.

Peut-être que certains d'entre vous se souviennent des photos de 2019 où l'on voyait une file d'attente au sommet de l'Everest ? 

Photo Nirmal Purja. Nimsdai Project Possible

Ce n'était pas la première fois que la surfréquentation du site donnait le jour à une polémique. La faute est souvent attribuée aux expéditions commerciales qui, pour 60 000 dollars ou euros, vous promettent de vous emmener sur le toit du monde. Ajouté à cela des conditions météorologiques parfois difficiles où les fenêtres de beau temps se font rares et tout le monde se retrouve à partir au même moment et donnent des situations ubuesques telles que celle-ci. La situation pourrait prêter à sourire si la mort ne rôdait pas tout près à chaque minute passée en haute altitude.

Cette montagne qui fascine l'humanité a fait l'objet d'un récit de Jon Krakauer, journaliste chez Outside et auteur de Into the wild. Un récit tragique puisqu'il a pris part à une des expéditions commerciales lors de la saison meurtrière de 1996 où sont décédées 15 personnes. Un événement terrible qui a donné lieu à deux films et un téléfilm. Pour ma part, j'ai vu Everest de Baltasar Kormakur (avec Jack Gyllenhaal, Jason Clarke et Josh Brolin) qui m'a beaucoup marqué car certaines scènes sont tout simplement horribles et montrent la terrible force de la nature.

Jon Krakauer est un alpiniste chevronné mais n'avait  jamais pratiqué en haute altitude. Lorsque son magazine l'envoie à l'Everest pour écrire un article sur les expéditions commerciales et leurs conséquences, il n'hésite pas une seconde. L'attrait de Chomolungma (nom tibétain de la montagne) est évidente à ses yeux. Si Krakauer parle évidemment de l'expédition et des accidents qui vont s'enchaîner, il prend le temps de raconter l'historique de la conquête de l'Everest, l'histoire de certains grands alpinistes et de ses compagnons de cordée et de donner son point de vue sur la fréquentation de l'Everest et de son statut unique pour l'humanité. 

Le ton est simple et fluide. L'auteur alterne les chapitres sur l'expédition et ceux sur les autres sujets avant de consacrer les tout derniers à la tragédie. Comme dit plus haut, Jon Krakauer aborde plusieurs sujets relatifs à la montagne. Ainsi il fait l'historique de l'Everest dont les premières expéditions étaient du côté tibétain (les expéditions britanniques s'enchaînaient) puis avec la fermeture du Tibet, les expéditions qui partent du Népal enfin ouvert aux étrangers. En 1953, Tensing Norgay et Edmund Hillary atteignent les premiers le sommet de l'Everest. Gravir l'Everest c'est aussi respecter des traditions notamment celles des sherpas népalais pour qui la montagne est une divinité du nom de Sagarmatha. Une divinité mal en point car jonchée de détritus, de bouteilles d'oxygène et de cadavres. L'auteur le rappelle la montagne est un lieu de mort et il met en garde contre ceux qui l'oublient et c'est avec effarement qu'il constate l'inexpérience de certains grimpeurs ou la témérité d'autres. 

Le récit de la tragédie est prenant et serre le coeur. Le lecteur, bien au chaud sous son plaid, voit avec le recul les erreurs commises, l'orgueil qui pousse à continuer, la folie du sommet où on prend tous les risques quitte à oublier qu'il faut redescendre. Ce récit c'est aussi la réalité de la haute altitude sur nos organismes. Le manque d'oxygène, même avec une aide respiratoire et l'acclimatation, affaiblit les êtres humains et biaisent leur lucidité. Jon Krakauer le dit lui-même, il a était persuadé de certains événements qui se sont révélés faux par la suite et qui l'ont mis à mal avec les familles de certaines victimes. Il y aussi la question de l'éthique abordée assez rapidement mais qui montre comment il est difficile de prendre des décisions. La priorité est donnée à la personne qui aura le plus de chances de survivre. Et puis il y a cette critique des expéditions commerciales, comment la concurrence entre les agences poussent certains guides à emmener à tout prix leurs clients au sommet au détriment parfois de leur sécurité.

Ce témoignage illustre donc parfaitement la passion de la montagne mais aussi ses dérives. Je l'ai trouvé très intéressant même s'il est difficile de porter un regard critique sur les événements car Jon Krakauer a son point de vue de client et d'alpiniste mais n'oublions pas qu'il n'avait jamais fait de haute altitude. Certaines de ces critiques sont blessantes voire dures. Certes on ne peut le nier, des manquements et des erreurs ont été commis mais l'héroïsme et la solidarité ont été aussi présents. Deux autres survivants ont publié des livres sur la tragédie :le miraculé Beck Weathers, laissé pour mort et Anatoli Boukreev qui répondait au portrait peu flatteur qu'avait dressé de lui Krakauer.

 

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