Les sept piliers de la sagesse de T.E. Lawrence

Publié le par Walpurgis

Mémoires de la révolte d'Arabie

Format poche

Traduction : Julien Deleuze

Edition : Folio

Date de parution : 2003

Nombre de pages : 944

Figure mythique à la personnalité complexe, officier militaire et aventurier idéaliste, Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d'Arabie, fut également un grand prosateur. Avec Les sept piliers de la sagesse, initialement publié en 1926, il livre le récit de son expérience au sein du mouvement arabe pour l'indépendance, dont il se fit l'un des plus ardents défenseurs.

Si le nom de Thomas Edward Lawrence parle peu en général, il en est autrement lorsque l'on cite Lawrence d'Arabie et pourtant c'est bien le même homme qui partage ces deux identités. Immortalisé sous les traits de Peter O'Toole au cinéma, sa vie aventureuse et sa mort prématurée ont construit sa légende.

Thomas Edward Lawrence
Peter O'Toole dans Lawrence d'Arabie de David Lean (1962)

Le problème avec les légendes est que l'on peut faire dire ou penser n'importe quoi. Avec Les sept piliers de la sagesse, T.E. Lawrence nous laisse une oeuvre littéraire qui traduit ses pensées les plus secrètes sur cette révolte arabe. Evidemment, certains se sont insurgés qu'il ait enjolivé certaines choses tel le colonel Brémond, officier français avec qui Lawrence a eu des relations difficiles. Au moins une certitude demeure : Lawrence fascine depuis plus d'un siècle désormais et des recherches archéologiques récentes  (2016) démontrent que le britannique n'a pas menti sur ses exploits.

Avec ce livre Lawrence décrit la révolution arabe contre la Turquie (1916-1918). Son rôle était de guider les arabes tout en préservant les intérêts britanniques. Une situation qui le dégoûtait profondément et sur laquelle il revient fréquemment pendant tout le livre. Il faut savoir que Lawrence n'est pas un militaire de formation, il est avant tout archéologue spécialiste du Moyen-Orient. Ce sont donc ses compétences et notamment sa connaissance de la langue arabe et de certains de ses dialectes qui font faire de lui un agent de renseignement. Pas arabe mais plus vraiment britannique non plus selon ses propres dires, il est un électron libre qui va totalement fraterniser avec ses alliés arabes et vivre à leur façon. 

Le récit est magnifiquement écrit. Le talent littéraire de Lawrence est indéniable. Ses descriptions du désert et des oasis nous emmènent en voyage à ses côtés. L'aspect anthropologique y est fort, le britannique décrivant les différentes tribus arabes, leurs moeurs, leurs coutumes, leurs caractéristiques. Ce livre est donc une mine d'informations pour appréhender le contexte de l'époque. Cette rébellion est aussi l'occasion de mettre en place des stratégies militaires inspirées de grands noms de la guerre ou de philosopher sur le destin des hommes. C'est une oeuvre qui se savoure lentement pour saisir chaque phrase, chaque mot. 

"Nous formions une armée concentrée sur elle-même, sans parades ni beaux gestes, consacrée à la liberté, la seconde des croyances de l'homme, objectif si affirmé qu'il dévorait toutes nos forces, espoir si transcendant que nos ambitions précédentes pâlissaient à son éclat."

Pour mener à bien cette révolte, Lawrence cherchera le bon leader. Lorsqu'il voit Fayçal, troisième fils du chérif de la Mecque et donc hachémite (descente du prophète Mahomet), il sait qu'il a le chef idéal qui réussira à rallier les différentes tribus. Un travail difficile car les arabes sont organisés en tribus souvent nomades et pratiquant le tha'r (la vendetta) d'où des conflits sans fin qui ne permettaient pas une union solide. C'est là que Lawrence rentre en scène en négociant, payant, persuadant les différents chérifs (chefs) de prêter allégeance à Fayçal. Il pourra aussi compter sur les autres fils du chérif Hussein : Ali, Abdullah et Zeïd ou encore des chefs réputés comme Aouda Abu Tayi. Des victoires s'ensuivront de la conquête d'Akaba à la prise de Damas.

De ses périples dans le désert, Lawrence conservera le souvenir d'endroits variés, magnifiques mais souvent impitoyables. Les puces, la chaleur, le froid, le manque de nourriture ou d'eau font partie d'un parcours de souffrance que l'anglais traduit comme une expiation de son attitude malhonnête envers les arabes. Il parle  d'ailleurs avec un plaisir non dissimulé de ces mortifications qu'il appelle même de ses voeux. Son rôle devenu de plus en plus important face à la réussite de la révolte, Lawrence se retrouve tiraillé entre l'envie d'être aimé et célèbre et son sentiment de ne pas le mériter. Le partage du Proche-Orient entre français et britanniques (accords de Sykes-Picot) mettra un coup d'arrêt à l'indépendance arabe et au rêve de Fayçal (et de sa famille) de créer un grand royaume arabe.

"Mais comme je n'étais pas absolument idiot, je voyais bien que si nous gagnions la guerre, les promesses faites aux Arabes seraient un chiffon de papier."

Les sept piliers de la sagesse est donc l'oeuvre d'une vie et un témoignage crucial sur l'histoire du Proche-Orient. Mais c'est aussi un récit d'aventures au souffle épique accompagné d'une réflexion philosophique sur l'individu. Un monument littéraire à découvrir si le coeur vous en dit.

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