Wilderness de Jim Morrison
Recueil de poésie

Format poche
Traduction : Patricia Devaux
Edition : Christian Bourgeois (bilingue)
Collection : Titres-Langues
Date de parution : 2010
Nombre de pages : 293
" La vraie poésie ne dit rien. Elle ne fait rien que proposer des opportunités et ouvrir toutes les portes. Vous pouvez choisir celle qui vous convient et la franchir. Ce qui me plaît tant dans la poésie, c'est son immortalité. Tant qu'il y aura des hommes sur terre, ils pourront mémoriser des mots et une combinaison de mots. Rien d'autre que la poésie ou la chanson ne pourrait perdurer après un holocauste, personne ne peut décrire un film, une sculpture, une peinture, mais tant que l'homme existera, la poésie et la chanson pourront durer. Si ma poésie a un but, c'est celui de délivrer les hommes des limites par lesquelles ils voient et ressentent." Jim Morrison " Une lumière dionysiaque l'habitait, lui dont le rock fit la gloire et laisserait dans l'ombre sa poésie coupante, lucide, réfléchie comme la vie se réfléchit même dans l'acier d'une lame."
Presque dix ans après ma première lecture de Wilderness, j'ai décidé de le relire. Je suis certaine qu'à l'époque je n'avais pas compris grand chose. J'étais fan des The Doors mais ce n'est que dans les années suivantes que j'ai lu nombre d'ouvrages ou visionné des documentaires sur ce groupe et leur leader Jim Morrison.
Une chose me semble sûre, j'ai mieux compris les poèmes dans leur grande majorité mais certains sont restés obscurs et je ne vois pas ce que veut nous transmettre Morrison.
Wilderness est un recueil posthume édité vingt ans après la mort de Jim Morrison. Ce sont les parents de Pamela Courson (sa compagne) qui ont retrouvé les poèmes dans un carton et qui ont demandé à Frank Lisciandro (un ami de Morrison) de les publier. L'agencement, le choix des poèmes ne sont donc pas représentatifs d'un choix qu'aurait forcément fait l'artiste. Et je pense qu'il faut garder ça en tête car c'est peut-être une explication dans le manque de cohésion ou de compréhension que le lecteur prend en pleine figure. Il n'y a pas que ça évidemment, Morrison avait un style particulier ou des styles ? Il y a une grande diversité de genre aussi bien sur le fond que dans la forme. D'ailleur dans le prologue où Morrison s'auto-interviewe, il voit la poésie comme libératrice, éternelle. Il faut aller à l'essentiel et être honnête envers soi-même. Il parle notamment de l'écriture automatique qui est d'écrire sans raison ni contrôle. Un procédé qu'il semble avoir utilisé dans quelque-uns de ces poèmes dont la liste de mots ne semblent pas signifier vraiment quelque chose ou de trop abstrait pour être saisi à la première lecture.
Même si le titre du recueil Wilderness a été choisi par des tierces personnes. je trouve qu'il colle bien à ce récit. Wilderness c'est en français la naturalité : caractère sauvage d'un paysage ou d'un milieu naturel. Et ici, je dirais que c'est le caractère brut et sauvage de la poésie de Morrison qui ressort. Les poèmes ne sont pas titrés pour la majorité. Ils peuvent être de quelques lignes ou avec plusieurs strophes. Et ces dernières sont parfois séparées par des lignes soit en diagonale ou horizontales.
Des thèmes récurrents sont abordés dans la poésie de Morrison. La liberté est souvent citée comme un but à atteindre. Elle peut être provoquée par la lecture de ces poèmes comme une boîte de Pandore (L'ouverture du coffre) et nous guider vers la créativité et la rêverie. La liberté c'est aussi la connaissance suprême et les humains ne sont que des enfants face à elle. Comme dans l'allégorie de la caverne de Platon (qui parle de la connaissance), nous sommes maintenus à l'écart de la liberté et nous sommes hébétés et puérils quand nous la découvrons.
Morrison parle beaucoup de l'Amérique et plusieurs poèmes sont titrés Lamerica, mot-valise de Los Angeles et Amérique. Ces poèmes traduisent une sorte d'aversion pour les Etats-Unis accusés de vivre d'illusions et d'aliéner les hommes. Dans le premier poème de ce nom, une référence à Edward Hopper est glissée rejoignant sa conception de solitude et d'aliénation urbaines. Avec la naissance du pays, la nature a peu à peu disparu et les villes ont provoqué la violence et la folie. Le poète nous invite à quitter cette société illusoire pour le suivre dans un autre monde.
Un autre thème revient régulièrement c'est l'enfance et la nostalgie de celle-ci. Souvent vue comme une période bénie, Morrison raconte des souvenirs épars et surtout voit l'enfant comme profondément dans le vrai. Pas encore standardisé, l'enfance s'exprime sans détours. Dans As I look back, il parle de ses désirs enfantins imprégnés de spiritualité et de rébellion jusqu'à sa vie d'adulte et sa carrière de chanteur. Si l'enfance est présente, le rite de passage est aussi évoqué. Pour le poète, il est nécessaire de marquer les âges et de les célébrer. On sent l'influence marquée pour le chamanisme et les rites amérindiens. Il parle de longs voyages et au bout de la perte d'innocence.
Peu de poèmes sont ouvertement autobiographiques mais ils interpellent le lecteur s'il connaît la vie de Morrison. C'est le cas d'un poème parlant de sa vie sur les toits de Los Angeles en 1965 où il a la révélation de la musique. Bien que tous les poèmes sont une partie de Morrison, certains parlent d'événements plus précis de sa vie.
Et surtout Morrison se voit sous différentes formes. A la fois guide vers la connaissance, initié, poète ou figure dionysiaque voire satyre. Les valeurs de liberté, de sexe, de créativité sont présentes en lui. Il le dit à plusieurs reprises : il sait. Et par le biais des poèmes, il essaie de nous inculquer ses connaissances.
Malgré le pavé que j'écris, il ne représente qu'une petite partie de ce qui peut être compris et analysé dans l'oeuvre. De plus, je me suis faite ma propre interprétation qui peut être erronée. Seul le poète sait vraiment ce qu'il a voulu dire. Certains textes m'ont paru inaccessibles et parfois il suffisait de quelques mots pour que je ne comprenne pas ou change d'avis sur le sens du poème.
Toutefois si vous êtes curieux, je vous encourage à lire et relire ce recueil qui réserve de belles surprises. Le texte est bilingue et permet de voir les choix de traduction si vous aimez lire en VO. Avec ce recueil, c'est le rêve de Morrison qui se réalise : être reconnu en tant que poète.
Chronique du 21/10/2010
Deuxième recueil de Jim Morrison paru en France, Wilderness reprend les thèmes chers au poète-chanteur : l’Amérique, le désert, les illusions perdues…
Ce second recueil s’ouvre sur une auto-interview de Jim Morrison où il confie qu’il ne pensait jamais rien écrire de bien sauf s’il se mettait en écriture automatique, ce qui n’est jamais arrivé. A travers cette phrase, Morrison semble vouloir s’éloigner de la littérature surréaliste et donc de se démarquer des valeurs de l’absurde, du rêve ou de l’irrationnel.
Inspiré par la beat culture, Morrison a écrit des poèmes complexes dont la forme est tout aussi importante que le contenu. Les thèmes lus dans La Nuit Américaine sont repris ici. Les mots crus sont toujours présents et des poèmes sont vraiment déroutants. A la lecture, l’ensemble paraît décousu mais il faut savoir que ces poèmes étaient des ébauches puis retravaillés avec minutie afin que chaque mot pèse de tout son sens. D’ailleurs, certains poèmes m’ont paru très beaux avec des mots simples mais évocateurs tandis que d’autres m’ont semblé assez inaccessibles au premier abord. Ceux-ci nécessitent une relecture, voire aussi une connaissance de la vie de Jim Morrison pour mieux les appréhender. Sa fascination du chamanisme, du désert, la conscience des différences entre individus ont forgé ces poèmes et leur symbolisme. J’ai apprécié aussi l’implication du lecteur, qui est parfois sous-jacente, mais qui nous interpelle et permet de nous immerger totalement dans l’œuvre.
Pour ce qui est du livre physique, j’ai été gêné, comme précédemment, par l’agencement des pages.