Alexis Zorba de Nikos Kazantzaki
Roman contemporain
Traduction : Yvonne Gauthier
Edition : Pocket
Date de parution : 2009
Nombre de pages : 348
C'est d'abord un nez, écrasé à la fenêtre. Puis c'est un corps, une bourrasque. Sage et bavard, oraculaire et chaleureux, coureur de jupons et faiseur de soupes, tel est Alexis Zorba, l'homme au baluchon. Son goût est sûr, son désir insatiable, son savoir instinctif : "une nature". Le jour se lève sur le Pirée. Dans le café enfumé, patiente un jeune intellectuel. Bientôt, le bateau pour la Crète appareillera. C'est sur cette terre solaire et misérable qu'il compte se frotter à la vie, cette vie qu'on n'apprend pas dans les livres… Et voilà que déboule, avant même le début du voyage, le mentor attendu, bon génie frondeur, philosophe déboutonné : leur amitié sera fulgurante. À l'heure où la civilisation radote, où l'idéologie gangrène l'intelligence, la voix d'Alexis Zorba est de celles qui crient dans le désert, mais monte haut, très haut, vers le ciel…
Si le nom d'Alexis Zorba vous dit quelque chose, c'est peut-être dû au film de Michael Cacoyannis avec en personnage principal, l'acteur Anthony Quinn. Le roman de Nikos Kazantzaki narre le récit d'un jeune intellectuel grec qui, par le contact de Zorba, va confronter ses idéaux au sens de la vie.
Les deux hommes, dont la rencontre fortuite est un signe du destin pour le narrateur, partent ensemble en Crète pour exploiter une mine. Via l'aventure de ces deux êtres, le lecteur découvre l'île grecque et ses moeurs. Il est à noter que le récit se situe dans les années 30 de plus sur une île méditerranéenne, les hommes ont donc un rôle central dans le village et les femmes n'y ont pas une image positive. D'ailleurs les propos de Zorba vont parfois loin les qualifiant de "pas humaines", "faibles" et "volages". A l'instar de Mme Hortense, personnage pathétique tourné vers la gloire passée, les femmes ne sont là que pour servir et obéir. Autant dire que tous ces passages m'ont fait grincer des dents même en les remettant dans le contexte du récit. Le seul personnage féminin qui sort du lot, la veuve, connaît un destin tragique traduisant la violence des désirs des hommes.
Il serait toutefois dommage de passer à côté du roman tant il célèbre avec un vocabulaire simple mais pourtant poétique et lumineux les plaisirs de la vie. Zorba est l'image même de l'épicurien, la bonne bouffe, les femmes, la danse... Tout est sujet au plaisir. Sa philosophie de vie simple bouscule les réflexions de son jeune compagnon. Ce dernier, "souris papivore", hanté par son manuscrit sur Bouddha et par sa lecture de Dante, se prive de ses envies. En voulant connaître le but de la vie, il passe à côté de l'expérience du sel qui la compose et oublie ce qui est essentiel. Zorba est donc un rappel constant pour l'intellectuel qu'il faut profiter pour apprendre et connaître la vie. Le parallèle est éloquent avec le Bouddha qui a accumulé différentes expériences sociales pour atteindre l'éveil.
Au fil de l'histoire, c'est surtout la nature qui est fêtée. Les levers et couchers de soleil, l'odeur des plantes, la douceur du vent deviennent des habitudes sensitives nécessaires aux deux personnages qui ont choisi de vivre sur la plage. La liberté de vivre ainsi proche d'elle est magnifiquement écrit. Cette simplicité tranche là encore avec les pensées du narrateur dont les angoisses le hantent jusqu'à une délivrance qui ne sera que temporaire.
Avec deux personnalités opposées, Nikos Kazantzaki crée un très beau roman initiatique. La célébration d'une vie simple proche de la nature et faite de petits bonheurs est un beau moment de lecture. La figure d'Alexis Zorba truculente à souhait, plein de bon sens est malheureusement gâché par un sexisme exacerbé. Malgré cela, le roman reste une agréable lecture et donne envie de vivre dans un cabanon sur la plage à manger des olives.