Le seigneur des ténèbres de Robert Silverberg

Publié le par Walpurgis

Roman historique

Format poche

Traduction : Nathalie Zimmermann

Edition : Le livre de poche

Date de parution : 2017

Nombre de pages : 1056

Quand Battel s'embarque sur un navire corsaire en 1589 et quitte l'Angleterre élisabéthaine en quête de gloire et de fortune, il ne peut deviner qu'il restera vingt ans prisonnier des " sombres terres d'Afrique ". Rapidement capturé par les Portugais, Battel va connaître les plus grandes joies et subir les pires coups du sort. Amour, guerre, évasions, magie, dangers et trahisons en tout genre, son destin ressemblerait à la trame d'un roman de cape et d'épée s'il ne se doublait d'un étrange appel : dans cette région du monde vit alors un démon dont le seul nom fait trembler les Africains comme les Européens. Il s'agit de Calandola, roi réputé immortel des terribles guerriers Jaqqas, des nomades anthropophages dont la bravoure et la brutalité alimentent les légendes et les cauchemars. Or Andrew Battel, de Leigh, va croiser la route des Jaqqas et devenir l'un des leurs. Dès lors, c'est dans une aventure d'un autre genre qu'il s'embarque, un voyage vers le cœur sauvage du monde, qui remettra en cause toutes ses valeurs et la définition même qu'il se faisait du mot " homme ".

Avec Le seigneur des ténèbres, Robert Silverberg délaisse la SF pour se consacrer à un roman historique dont le personnage principal, Andrew Battell, est un corsaire anglais. Cet Andrew Battle a réellement existé, il est d'abord apparu dans un livre qui a fortement marqué Silverberg enfant : Les Trois Mulk-Mulgars de Walter de La Mare. En enquêtant sur ce personnage, l'auteur américain a découvert que ce marin n'était pas seulement une création. Il a pu lire le récit de ce dernier sur ses années africaines où il a été prisonnier des portugais. Appaté, Silverberg se lance un défi incroyable : raconter l'histoire d'Andrew Battle et remplacer les manques par son imagination. Des 60 pages du récit du marin, il fait un roman de plus de 1000 pages foisonnant à souhait. Et pour respecter l'époque du marin qui vivait sous le règne d'Elisabeth 1ere, il adopte le parler du XVIe siècle tout en gardant un côté moderne. C'est donc de ce pari fou dont je vais vous parler aujourd'hui.

Andrew Battle est originaire de Leigh en Angleterre. Issu d'une famille de marins, il prend lui-même la mer assez jeune. Bercé par le récit de ses frères corsaires, il décide lui aussi de participer à une expédition pour piller les bateaux de l'Espagne rivale. Le 20 avril 1589, il embarque pour le Brésil et le croit-il pour la fortune. En fait Battle ne touchera le sol anglais que vingt ans plus tard et verra sa vie connaître nombre de bouleversements. C'est un personnage intéressant et riche que nous propose Silverberg. Andrew Battell a une certaine philosophie de vie qui participera à sa survie en Afrique. Pragmatique, il est loyal envers sa foi protestante qu'il met en avant face aux portugais papistes. Ses pensées montrent une foi entière envers Dieu et une crainte du Diable qui se matérialise notamment envers les Jaqqas, une tribu mystérieuse dont le chef serait l'antéchrist en personne. Mais c'est surtout son côté curieux qui fait d’Andrew un quasi ethnologue qui décrit sans fard la beauté des paysages africains et les moeurs parfois cruelles de ses différents habitants, l'anthropophagie revenant sans cesse pour parler de la tribu des jaqqas. Une curiosité qui se mêle parfois à la fascination et qui l'emmènera loin des terrains qu'arpente l'occidental à l'époque. Les rencontres qu'il fait au fil du récit sont toutes déterminantes même si très différentes. Les plus marquantes sont celles avec Dona Teresa, du chef jaqqa Calandola et de son frère Kinguri. Et ces trois êtres ont en commun une sorte de sagesse et de malfaisance mêlées qui les rendent fascinants aussi bien pour Battell que pour le lecteur.

Si les personnages sont intéressants, l'Afrique décrite par Silverberg l'est tout autant. La majorité de l'action se passe dans l'actuel Angola particulièrement à Sao Paulo de Louanda qui n'est autre que la capitale actuelle Luanda. On découvre une Afrique aux prémices de la colonisation (ici portugaise) où le marché des esclaves est important ainsi que le commerce de denrées exotiques dont les fameuses défenses d'éléphant. Au fil du récit, Battell réfléchit sur les sujets de l'esclavage, de la colonisation et de la souillure apportée par les occidentaux. Il n'évite pas l'écueil de penser que les britanniques feraient mieux mais ses pensées montrent un homme en avance sur son temps. L'histoire de la colonisation portugaise défile sous nos yeux avec les forteresses éloignées et malsaines, les mines d'argent légendaires, la capitale qui s'étend petit à petit et les différents villages où les alliés peuvent se transformer en ennemis en quelques instants. Que ce soit la politique portugaise avec les rivalités d'hommes ambitieux ou les tractations avec les tribus, le lecteur baigne dans une atmosphère incroyable de réalisme. Seuls les jaqquas, fil conducteur sous-jacent de l'histoire, possèdent une aura tellement mystérieuse qui semblent hors du temps et de notre monde. Les confidences de Calendola dans la dernière partie du livre confèrent un je-ne-sais-quoi de mystique à cette tribu et la fin donne encore plus de poids à cette impression.

Le seigneur des ténèbres est un livre historique haletant et passionnant. Il se veut aussi un récit d'aventures avec un personnage principal qui jette un regard curieux et intéressé sur l'Afrique et ses habitants. Au travers des événements de la vie d'Andrew Battell, une Afrique réaliste nous est dépeinte avec son aura magique qu'elle possède encore aujourd'hui. Un livre à découvrir si vous aimez les belles aventures dans des contrées exotiques.

 

Publié dans Historique

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