Le village oublié de Theodor Kröger

Publié le par Walpurgis

Roman autobiographique

Traduction : A. de Gouyon et E. François

Edition : Phébus

Collection : Libretto

Date de parution : 2012

Nombre de pages : 622

Un jeune Allemand de bonne famille, natif de Saint-Pétersbourg, est envoyé au bagne au début de la Grande Guerre pour avoir tenté de rejoindre clandestinement le pays de ses ancêtres. Après une traversée harassante des vastes solitudes sibériennes, les wagons à bestiaux scellés par le froid où l'on entasse tout un peuple, après les camps de concentration (déjà) et les chefs sadiques organisant la mort, après cette terrible entrée dans la modernité du XXème siècle avec la fin des tsars, les violences sociales et la famine, Kröger va tenter l'extraordinaire aventure d'isoler un village du reste du monde. Cacher les chemins. Transformer les forêts en labyrinthes mortels... Mais combien de temps ? Noirceur d'une époque et grandeur de l'âme russe se mêlent face à l'immensité de la taïga, elle seule capable de résister à la folie des hommes.

Avec Le village oublié, Theodor Kröger raconte ses 4 années passées en Sibérie suite à une accusation pour espionnage. Le tort de Theodor : être allemand à l'heure de la Première Guerre Mondiale. Paniqué il essaye de s'enfuir et se retrouve donc déporté en Sibérie. Les premières pages qui nous plongent dans cette nature hostile sont effrayantes. Parqués dans des trains à bestiaux ou sommés de faire de longues marches, les prisonniers essayent de survivre comme ils le peuvent. La première prison où va Theodor est l'archétype de celle où l'on va pour mourir. Mais la chance sourit à notre homme, si on ose appeler chance ce qui va suivre. Grâce à ses relations, Kröger se retrouve exilé dans le village de Nikitino, sorte de bout du monde perdu dans la taïga. 

Une grosse partie du livre est consacrée à sa vie à Nikitino et aux relations qu'il y entretient. Grâce à de l'argent envoyé par ses proches, le prisonnier va rapidement vivre à son aise dans ce petit village. Proche des Tatars, il va rencontrer l'amour avec Faymé mais aussi des amitiés fortes avec le chef de la police, des prisonniers de guerre allemands et le chef du village caché Sabitoïe. Mais ne nous y trompons pas, la vie est dure, la solidarité nécessaire, la nature est implacable surtout les grands froids de l'hiver qui se transforment en chaleurs étouffantes de l'été. Ce que je reproche à ce récit, c'est ce côté quasi conte de fées de la vie de Kröger dans son bannissement perpétuel. Certes il est psychologiquement déboussolé et déprimé mais le faste avec le quel il vit paraît irréaliste ainsi que l'importance qu'il prend dans le village. Sa relation avec Faymé m'a mis mal à l'aise avec le côté pygmalion voire paternaliste de Theodor et la naïveté de la jeune femme. De ce fait on se demande si c'est bien la vérité qui nous a été contée et si l'auteur n'a pas préféré romancer. C'est d'autant plus décevant que la préface de Jean Raspail est un délice à lire et donne l'eau à la bouche.

Malgré ces déceptions, il y a des passages très réussis notamment le début comme je l'ai dit plus haut mais il y a aussi la découverte de Sabitoïe, ce village que le chef veut cacher du chaos qu'il pressent. Les chasses dans la taïga qui mèneront des hommes jusqu'à un tribu inconnue et isolée. Et surtout une fois passée l'enchantement d'une vie facile, l'auteur revient sur les terribles années de la révolution russe qui condamnera Nikitino à une mort certaine. Les tragédies défilent redonnant au récit la force et la beauté macabre des premières pages.

Ce roman d'un prisonnier en exil à Sibérie n'est pas inintéressant mais qui souffre de passages presque enchanteurs qui tranchent avec le reste du livre. On se demande même si l'auteur est véritablement sérieux. Ce livre est une célébration de la nature dans toute son hostilité et à la beauté de l'âme russe.

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