Lire Lolita à Téhéran d'Azar Nafisi
Biographie/Témoignage
Format poche
Traducteur : Marie-Hélène Dumas
Edition : 10/18
Collection : Domaine étranger
Date de parution : 2004
Nombre de pages : 467 pages
Après avoir dû démissionner de l'Université de Téhéran sous la pression des autorités iraniennes, Azar Nafisi a réuni chez elle clandestinement pendant près de deux ans sept de ses étudiantes pour découvrir de grandes œuvres de la littérature occidentale. Certaines de ces jeunes filles étaient issues de familles conservatrices et religieuses, d'autres venaient de milieux progressistes et laïcs ; plusieurs avaient même fait de la prison. Cette expérience unique leur a permis à toutes, grâce à la lecture de Lolita de Nabokov ou de Gatsby le Magnifique de Scott Fitzgerald, de remettre en question la situation " révolutionnaire " de leur pays et de mesurer la primauté de l'imagination sur la privation de liberté. Ce livre magnifique, souvent poignant, est le portrait brut et déchirant de la révolution islamique en Iran.
Une plongée dans l'histoire de l'Iran et des analyses poussées d'oeuvres littéraires, voilà ce que nous propose Azar Nafisi dans Lire Lolita à Téhéran. Une ode à la liberté, à l'amour des livres et au pouvoir de l'imagination.
Chaque oeuvre rencontrée provoque débats animés, analyses pointues et souvenirs iraniens. Lolita de Nabokov, Gatsby le Magnifique de Fitzgerald, Daisy Miller d'Henry James ou encore Orgueil et préjugés de Jane Austen sont abordés, disséqués. On sent un véritable amour des livres et de la lecture. Ici, elle est synonyme de liberté, d'évasion face à l'obscurantisme où est plongé le pays. Ces oeuvres permettent au club de lecture de confronter leur analyse à la situation de leur pays. Où se situe l'immoralité ? Les attitudes des personnages ne sont-elles qu'occidentales ou tout simplement humaines ?... De nombreuses questions sont soulevées et éclairent le lecteur et les participants sur le sens de leur société.
On se pose beaucoup de questions sur les choix que fait un peuple pour son pays. Un passage m'a beaucoup touché et fait réfléchir :
"Dans les mois et les années qui suivirent, de temps à autre, Bijan et moi devions affronter les images télévisées de procès où étaient jugés certains des camarades que nous avions rencontrés aux USA. Ils dénonçaient vivement leurs actions passées, leurs anciens compagnons, tout ce qu'ils avaient défendu, et avouaient être vraiment ennemis de l'islam. Nous regardions ces scènes en silence. [...] Je me suis retournée et j'ai demandé à Bijan :"Est-ce que tu avais imaginé que ceci pourrait nous arriver un jour ?" Il a dit :"Non, jamais, mais j'aurais dû. Après avoir semé le désordre, nous n'étions pas obligés de subir la République islamique."
La liberté d'un peuple est fragile et comme l'erreur est humaine, cette liberté peut disparaître en rêvant d'un avenir meilleur. Les exemples sont hélas encore nombreux aujourd'hui.
Si la littérature tient une place prépondérante dans ce livre, l'histoire de l'Iran et surtout l'arrivée au pouvoir de l'ayatollah Khomeiny est tout aussi important. L'auteur nous montre les espoirs d'un peuple vite balayés par une société coercitive et tyrannique. Et si certains tirent profit de la situation, d'autres préfèrent se retirer de la société ou s'exiler. Toutefois, des personnes, comme l'auteur, continuent de vivre comme ils l'entendent au maximum de leurs possibilités. Une sorte de résistance quotidienne : enseignement de matières prohibées, maquillage, vêtements moulants sous les burquas...
Je me suis beaucoup attachée à l'auteur, également narratrice. Même si elle m'a semblé parfois trop insouciante lorsque le pire était en cours, elle a eu beaucoup de courage et c'est surtout une passionnée. Par contre pour les étudiantes, je me suis pas mal emmêlée les pinceaux et du coup, j'ai moins ressenti de sympathie pour elles.